samedi 19 décembre 2009

L' odeur familière de poussière et de perles prenait au nez dès que l'on entrait dans l'atelier. Un grand comptoir en bois toujours encombré,  une enfilade de pièces pas très grandes où travaillaient avec application quelques ouvriers spécialisés. Les larges tiroirs de bois affublés de perles ou pierres de toutes les couleurs collées à l'extérieur.  Broches, colliers et pendentifs en strass brillaient comme des pierres précieuses, c'était magique.  "Monsieur Albert" était l'homme important des soudures et collages,  avec sa blouse grise aux ronds de cuir, toujours assis devant son vieil établi, avec ses loupes sur le front et sa lampe à gaz dont la petite flamme virevoltait et faisait fondre comme du chocolat  les barres carrées de cire noire qui servait à coller les pierres de jais sur le bijou métallique nu ; cette opération demandait rapidité et habileté, centrer la pierre qui parfois glissait entraînée par la cire molle.



    
Des femmes aux mains agiles, enfilaient les colliers, emmaillait les perles, fixaient les fermoirs, assemblaient les morceaux de chaines aux modèles innombrables... ces manipulations effectuées au même rythme rendaient la tache monotone.  Amable dessinait des modèles, et au milieu de ses cartons où étaient cousus et référencés les échantillons de toutes sortes, guidait une clientèle fidèle,

 
 

                                                                             




mais des évènements familiaux et économiques  (la fabrication étrangère fera beaucoup de mal à certains ateliers français) , vont précipiter la fermeture définitive de la fabrique vers 1965. Une partie du stock sera entassée dans des caisses et cartons que ma grand-mère conservera presque religieusement.

36 ans plus tard, au décès d'Amable, les vestiges de l'atelier sont regroupés soigneusement et il y avait du travail, les souris s'étaient régalées de certains cartons et d'innombrables perles, strass, pierres en jais et autres jonchaient le sol. 13 années se sont écoulées depuis la disparition de ma grand-mère,  j'ai effectué un tri rigoureux afin de réunir des pièces uniques qui doivent impérativement être conservées, témoins d'un savoir-faire et de traditions qui n'existent plus. 



Remettre en état ces vieux bijoux en jais est passionnant,  j'éprouve du bonheur à me dire que certaines personnes auront la chance de porter un bijou dont je connais si bien l'histoire. 


Un lourd travail de restauration concerne les bijoux de cheveux, de chapeaux, de vêtements ; lorsque j'observe avec émerveillement ,par exemple, un peigne à chignon articulé doté d'une aigrette datant du XIXème siècle, je suis persuadée que sa fabrication aujourd'hui serait du ressort de la joaillerie. Le savoir faire des bijoutiers de deuil était bien plus créatif qu'on ne l'imagine lorsqu'on pense de nos jours "bijoux de deuil".  Mon intention est de tout tenter pour réparer ces pièces uniques afin de les exposer, elles le méritent et sans grandiloquence, j'ajouterai qu'elles font partie du patrimoine artistique français.


 
 
 
 


 Prochainement, je rappellerai les origines de la mode du bijou deuil.

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